La peupleraie française, effets du climat et nouveaux cultivars

Équipe ProPopulus

Le peuplier est une essence feuillue très répandue en France, occupant un peu plus de 194 000 hectares, plaçant la France largement en tête en Europe de l’Ouest.

Si la peupleraie ne représente plus de 1 % de la surface forestière française, elle contribue à hauteur de 28% de la récolte en bois feuillus ; en deuxième place (1.4 Mm3) après le chêne (2.2 Mm3), en 2021 (récolte totale de 5 Mm3).

Les peupliers font partie des essences dîtes à croissance rapide et ont une production biologique élevée de 12 m3/ha/an (entre l’épicéa et le douglas). Ainsi, sur une période de 18 ans, un hectare de peuplier peut produire jusqu’à 200 m3 de bois d’œuvre, dont les 2/3 sont destinés au déroulage et 1/3 au sciage.  (au-delà du bois d’œuvre, les bois ronds de moindre diamètre trouvent valorisation notamment, en complément de bois résineux, dans la fabrication de pâte à papier).

Cultivars et conservation des ressources génétiques du peuplier

Au total, la France propose un registre comprenant une soixantaine de cultivars de peupliers, inscrits dans la catégorie « testés et considérés comme intéressants pour les conditions du pays ».

Mais lorsque l’on dit « le peuplier », on devrait dire « les peupliers ». En effet, le genre « Populus » contient 37 espèces dans le monde (Europe, Asie, Amérique du Nord…). Parmi les espèces spontanées en France, on connaît surtout le Peuplier blanc (Populus alba), le Tremble (Populus tremula), et le Peuplier noir (Populus nigra) parfois cité de manière emblématique. Ces espèces spontanées sont présentes le plus souvent dans les zones alluviales, dont les ripisylves, en cortège avec des saules par exemple. Comme on le verra ci-après, les peupliers cultivés sont principalement constitués d’hybrides des différentes espèces de Peuplier que l’on trouve dans le monde.

Le Peuplier noir est présent naturellement le long des fleuves et rivières français soit sous-forme d’individus disséminés, soit de peuplements relictuels. Il est également commercialisé sous forme de six varietés multi clonales.

Le Peuplier d’Italie (Populus nigra italica) est une variété sélectionnée de Peuplier noir. Il a été largement diffusé et utilisé en ornement ou brise-vent en France depuis 1750. Il a été démontré que le Peuplier d’Italie, qui est un peuplier mâle à forte densité de pollinisation, s’est largement hybridé depuis plus de deux siècles avec les peupliers noirs naturels. Le bois de ces peupliers ne présente normalement pas les qualités requises pour sa valorisation par déroulage.

Pourquoi parle-t-on de cultivars ?

Certaines variétés peuvent être cultivées à vocation ornementale. C’est notamment le cas du Peuplier d’Italie. Mais lorsque l’on parle des variétés cultivées, on pense surtout aux peupliers qui sont utilisés pour la production de bois. On les nomme « cultivars » pour « variétés cultivées ». Les cultivars sont principalement des hybrides entre différentes espèces, sélectionnés notamment pour leur tolérance sanitaire, leur croissance et la qualité de leur bois. Lorsqu’un de ces arbres hybrides présente de bonnes caractéristiques, il est alors reproduit par multiplication végétative (bouturage).

Les cultivars ont chacun un nom sous lequel ils sont commercialisés. Par exemple, les cultivars Koster, Diva, Tucano, I45-51, Vesten… font partie des cultivars les plus plantés actuellement.

L’obtention de nouveaux cultivars est un travail long, en moyenne une vingtaine d’années, qui nécessite un strict suivi, une attention rigoureuse, et un savoir-faire certain. De manière générale, la sélection se fait principalement sur les critères de croissance, de rectitude, de forme, de tolérance aux maladies. Ces dernières années, les critères de tolérance à la sécheresse et de qualité des bois rentrent aussi en compte.

Les obtenteurs sélectionnent dans un premier temps les arbres parents (des mâles et des femelles) selon des critères potentiellement héritables comme la tolérance aux maladies, les capacités de croissance, et la forme (rectitude et branchaison). Après le croisement, puis la germination des graines obtenues, le long travail de sélection commence alors sur les jeunes plants, jusqu’à n’en conserver que quelques dizaines qui paraissent prometteurs. Ceux-là seront à leur tour sélectionnés selon les qualités et défauts qui apparaitront au fil des années. Ces quelques arbres issus de ce premier travail de sélection vont alors recevoir un nom et être multipliés par bouturage, pour être testés en groupe dans différents endroits en France. Chaque année, ils seront minutieusement examinés et mesurés, et leur comportement sur le terrain sera étudié. Si les résultats sont bons, ils pourront alors recevoir l’homologation qui permettra leur commercialisation.

Ravageurs et effets du climat sur la culture du peuplier

Comme la plupart des essences végétales ou forestières, les peupliers ont leurs ennemis et ravageurs plus ou moins attitrés. Qu’ils soient insectes ou larves (comme la pyrale, le perceur du peuplier, etc.), mammifères (lapin, ragondin, castor, cerfs ou encore écureuil, etc.) ou encore champignons (responsables des maladies foliaires, la rouille, etc.) , qu’ils s’en prennent aux feuilles et bourgeons, à l’écorce, au bois du tronc, aux rameaux, ces attaques de ravageurs peuvent occasionner des dégâts considérables : d’un ralentissement de la croissance à une atteinte à l’intégrité mécanique de l’arbre avec accroissement du risque de casse , ces attaques peuvent aboutir au dépérissement total de l’arbre.

Des moyens de prévention ou de lutte compatibles avec les restrictions environnementales peuvent exister mais dont la mise en œuvre, lourde techniquement n’est pas toujours supportable économiquement ; C’est un des grands enjeux de la sélection de nouveaux cultivars, plus résistants et plus adaptés selon les territoires et l’exposition aux risques.

Les peupliers, comme beaucoup d’autres arbres, sont sensibles aux conditions climatiques « extrêmes » telles qu’une sécheresse prolongée,  des gelées intenses ou encore les incidents climatiques tels que les tempêtes, d’autant plus s’ils sont fragilisés par l’attaque de ravageurs. Le travail sur les cultivars est une partie de réponse puisqu’il permettra d’adapter la peupleraie au changement climatique.

Il est essentiel de souligner que la culture du peuplier en France a connu des avancées significatives ces dernières années, notamment grâce à l’initiative Merci le Peuplier qui a permis la plantation de 800 000 plants en moins de 10 ans. Comme au niveau mondial, la France connaît en parallèle une forte augmentation de la demande en bois de peuplier notamment vers les industries du déroulage (contreplaqués et emballages légers). La dynamique de plantation doit être maintenue pour satisfaire l’intérêt grandissant pour le bois de peuplier, au rapport mécanique/ poids incomparable.

Les programmes de conservation des ressources génétiques et la selection de cultivars appropriés sont essentiels pour adapter la peupleraie de demain et assurer la durabilité et la santé à long terme de cette précieuse ressource forestière en France. Il est tout aussi important d’assurer une protection appropriée de la peupleraie d’aujourd’hui pour limiter les conséquences du changement climatique et maintenir une culture réussie et résiliente de peupliers dans le pays.

Source:

CNP

Images: Conseil National du Peuplier

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